Intérêt de l’annotation de texte pour DisMoi : comparaison avec Genius et Hypothes.is
Hypothes.is aujourd’hui et Genius précédemment sont les deux solutions les plus proches du projet DisMoi. Hypothes.is a pour ambition d’annoter tout connaissance du web, Genius avait celle d’"annoter le monde" avant de revenir dans son domaine initial : l’annotation de chansons.
Sur ces outils comme sur DisMoi, tout internaute peut annoter un contenu du web, sans l'autorisation du webmaster, de manière publique, à tous les autres internautes utilisant la même application, ou en privé dans un groupe plus restreint.
En théorie, nous ne sommes pas donc pas dans une simple amélioration, mais dans le changement de paradigme du web : le webmaster n’a plus la maîtrise des commentaires publiés sur son propre site web.
L’annotation est en effet un rêve de la Silicon Valley depuis l’invention du premier navigateur web. Mais jusqu’à aujourd’hui, elle n’a pas été capable de produire une solution adaptée, comparable par exemple avec ce qu’a fait Wikipédia avec l’encyclopédie crowdsourcée.
Malgré des volontés et des efforts parfois colossaux pour généraliser l’annotation et ainsi réaliser la vision des fondateurs du web sur l’annotation, les multiples projets d’annotation n’ont pas réussi à l’étendre au-delà de domaines spécifiques, comme la recherche collaborative et l’interprétation de chansons.
**La raison **nous semble assez aisément explicable : Hypothes.is, Genius et bien d’autres ont été conçus et développés pour des usages de type interprétation. Leur finalité est d’élucider le sens de chaque mot d’un texte terminé ; il ne s’agit pas ici de rebondir sur le même sujet, ni de proposer un complément, une alternative ou une remise en question, encore moins de prévenir contre un risque.
En effet, ils reposent sur les principes fonctionnels suivants :
- L’annotation porte sur un morceau de contenu (un mot, une phrase, une image, un extrait de vidéo).
- En ce sens elle ressemble fortement à une fonction ouverte d’ajout d’hyperlien, ouverte car en dehors du contrôle du webmaster. (Néanmoins, la différence de l’annotation avec l’hyperlien est qu’elle permet d’ajouter un texte et non seulement un lien sortant).
- Le contenu de l’annotation est visible au clic. Or, les principes fonctionnels associés à cet usage d'interprétation ne sont pas adaptables à d’autres usages plus grand public comme le conseil d’achat, le fact-checking, la prévention contre un risque d’arnaque, la partage d’un article sur le même sujet, le partage d’une expérience, etc.
Pour un usage grand public, cette approche d’annotation rencontre au moins une raison que DisMoi tente aujourd'hui de contourner :
L’annotation ne dit rien ni de son auteur ni de son intention (compléter, interpréter, contredire, questionner, fournir une source supplémentaire, etc.) tant que le lecteur n’a pas cliqué dessus.
Pour faire une comparaison, c’est comme si vous conduisiez sur une route avec de multiples sorties, mais sans aucune pancarte. De même que l'annotation n'est affichée qu'après le clic, la pancarte ne serait affichée qu'après que vous vous soyez engagé dans une sortie !
On comprend que ce défaut ne soit pas très gênant dans le cas d'interprétation de paroles d’une chanson : l’auteur est un autre fan et l’intention est de révéler le sens du texte (l’origine, l’intention de l’auteur, la référence et la signification). Mais il l’est dans beaucoup de cas quand l’intention justement n’est pas homogène et implicite.
Le journaliste Wiedeman raconte ainsi : “After reading one such article, on Business Insider, I told Lehman and Zechory that I found the experience nerve-racking: What would I miss if I didn’t click on every single annotation? “The stress is real.”
A l’inverse, quand l’hyperlien est édité par le webmaster, l’intention est généralement beaucoup plus claire, explicitée dans le texte même qu’il a rédigé. Exemple : “acheter ce produit ici.”
_DisMoi a été conçu de façon à éviter cet écueil : L’utilisateur qui reçoit une notification sait qui s'adresse à lui et souvent l’intention est visible dès l’aperçu de la notification. _
Le besoin se faisant ressentir, Genius et Hypothesis permettent d'annoter des pages entières. Mais d’une part cela reste une fonction secondaire. Et d’autre part, ces annotations ne disent rien non plus de leur auteur et de leur intention.
Sur DisMoi, la page est le lieu principal où les commentaires, conseils et informations sont épinglés.
Quelques remarques si on essaie de se situer par rapport à l’expérience de Genius et celle actuelle de Hypothesis.
A première vue, l'annotation est une super fonction de commentaire : elle permet : 1.de contextualiser son commentaire sur un mot ou une phrase, une image, un bout de de vidéo... 2. de se libérer du contrôle du webmaster.
Le web est basé sur les liens hypertextes. Ces liens sortants sont édités par le webmaster (media, e-commerce...) et les personnes qu'il autorise à le faire (wikipedia, facebook...). Ces liens sont visibles de tous les visiteurs par défaut. Genius, Web annotator et d'autres proposent d'ouvrir à tout internaute la capacité de faire de faire liens sortants, sans l'autorisation du webmaster, en les publiant de manière publique ou en privé dans un groupe plus restreint. Ici on n’est plus dans la fonction améliorée, mais dans le changement de paradigme du web.
Cependant, édités par qui veut, ces super-commentaires et ces hyperliens libres ne sont pas visibles de tous les internautes qui visitent la page ; contrairement donc aux commentaires et liens sont "édités" par le webmaster. En effet, la fonction d’édition et lecture d’annotation n'est pas (encore) une fonction par défaut comprise dans les navigateurs malgré la standardisation en cours impulsée par le W3C.
Pour Genius et Web annotator, la proposition de valeur “interpréter” semble être celle qui a eu le plus de succès : C'est sur ce champ de l'interprétation, celle des paroles de rap et de la littérature, qu'a fait florès Genius. Il s’agit d’élucider le sens de chaque mot…. d’un texte terminé ; il ne s’agit pas ici de rebondir sur un mot, un texte pour l’affiner, le compléter, le remettre en question.
Genius a tenté d’étendre son champ d’action (fonctionnel) à l’ensemble du web. Après tout, il n’y a pas que le rap qui a besoin d’interprétation, il y a toute forme de contenu et communication. De plus, annoter ce n’est pas seulement interpréter, c’est la possibilité d’en savoir plus sur tout contenu web et le de relier à toute ressource. Son défi était alors le suivant : la fonction d'annotation doit convaincre l'internaute lecteur potentiel, ou le webmaster, de télécharger le plug-in d'annotation pour pouvoir approfondir et discuter immédiatement tout ce qu'il lit, tout ce qu’il regarde.
Le journaliste Wiedeman touche du doigt un gros inconvénient de l’annotation en générale lorsqu’il raconte : “After reading one such article, on Business Insider, I told Lehman and Zechory that I found the experience nerve-racking: What would I miss if I didn’t click on every single annotation? “The stress is real.” En effet, l’annotation ne dit rien de son auteur ni de son intention (compléter, interpréter, contredire, questionner, fournir une source supplémentaire, etc.) tant que le lecteur n’a pas cliqué dessus. A l’inverse, l’hyperlien est édité par le webmaster et l’intention est souvent beaucoup plus claire, puisqu’elle est souvent explicité dans le texte lui même. Exemple : Acheter ici.
Et on devine que ce défaut est bien moins sensible dans le cas d'interprétation de paroles d’une chanson : l’auteur est un autre fan et l’intention est de révéler le sens du texte (l’origine, l’intention de l’auteur, la référence et la signification).
DisMoi essaie d'éviter ce défaut : on sait qui parle et l’intention est au centre du design (enfin peut-être pas assez...).
Incidemment, Genius et d’autres outils proposent d'annoter des pages entières, comme Dismoi. Mais dans ces outils d’un part c'est toujours une feature secondaire. D’autre part, elle ne dit rien non plus de son auteur et de son intention.
Beaucoup de contributions proposent dans l'annotation un lien hypertexte vers une ressource.
Lorsque vous visitez une page web, vous n’avez pas connaissance des liens entrants ou des discussion de Réseaux sociaux qui parlent de cette page. En ce sens, le web est structurellement apocritique et solitaire.
C'est comme si dans la vie réelle, vous ne pouviez pas discuter avec d'autres gens dans la rue, dans les magasins, "où je te vois dans les rayons...", ni dans les couloirs de l'administration, devant les hall, etc., mais uniquement dans des lieux définis, comme des cafés ou des bars.